Propos recueillis par Clémence Marcher
Bonjour Nathalie. Tu es membre d’AcclimaTerra depuis son origine et aujourd’hui membre du bureau de l’association. Peux-tu s’il te plaît nous en dire un peu plus sur toi ?
Bonjour Clémence. Je suis chercheure en écologie des ressources exploitées à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER). Je travaille au Laboratoire Environnement Ressources d’Arcachon et je fais partie de l’équipe localisée à Anglet dans le Pays Basque. Je suis très attachée à ce territoire et plus largement au territoire néo-aquitain. Pour moi, mon travail doit, à mon niveau, leur être utile.
En quoi consiste ton travail de chercheure ?
L’IFREMER étant un établissement public à caractère industriel et commercial, mes missions sont spécifiques à ce type d’établissement. Elles comprennent trois volets : l’observation, la recherche et l’expertise. L’observation se fait d’une part, dans le cadre des réseaux de surveillance nationaux du milieu marin c’est-à-dire que nous effectuons régulièrement des prélèvements dans des zones précises du littoral pour surveiller la qualité du milieu. De par notre localisation à Anglet, cette contribution concerne le secteur Pays Basque et le sud des Landes. D’autre part, l’observation se fait dans le cadre de projets de recherche quand il faut aller collecter des données locales manquantes pour répondre à un questionnement spécifique. Cela fait le lien avec l’activité de recherche qui est le deuxième volet de mes missions. Il consiste à mettre en place des campagnes sur le terrain (sur la zone intertidale (ndlr : aussi appelé estran), depuis un navire) comme je le disais, parfois à du laboratoire mais surtout à du traitement de données. Je passe énormément de temps sur l’ordinateur à nettoyer, traiter puis interpréter des données. C’est important pour moi de me baser sur des données fiables et de les traiter de manière robuste. Cela me permet de publier des résultats dans des revues scientifiques. Ces connaissances me servent de base pour le troisième volet de mes missions qui est l’expertise. Je fais donc de la recherche pour venir « muscler » ma mission d’appui aux politiques publiques. Quand les services de l’Etat nous sollicitent par exemple sur la taille réglementaire minimale de pêche de la palourde, nous devons pouvoir apporter des réponses précises, les plus étayées possibles. Au final, chacun des volets de mes missions appuie et enrichit les autres.
Par quelle formation es-tu arrivée à ce métier ?
J’ai commencé ma carrière en tant qu’ingénieure agronome. Après mon bac D (ndlr : bac sciences), j’ai fait une prépa biologie. Je suis ensuite rentrée à l’École nationale supérieure agronomique de Rennes (ENSAR) (ndlr : aujourd’hui Institut Agro Rennes-Angers) en spécialité halieutique (ndlr : ensemble des disciplines ayant trait à la pêche) pour devenir ingénieure. J’ai toujours voulu travailler sur la pêche. C’est vraiment ce qui m’intéressait. Après mon diplôme, j’ai enchaîné plusieurs contrats jusqu’à être contractualisée en CDI à l’IFREMER en 1999. Je n’avais pas du tout l’idée de passer une thèse à ce moment-là mais au fur et à mesure des années, j’ai perçu le besoin d’acquérir de nouvelles compétences, de nouvelles façons de travailler (par exemple la rédaction d’articles à laquelle j’ai pris goût !) pour faciliter les collaborations avec des universitaires. J’ai donc soutenu ma thèse en 2012 et en 2023, mon HDR (ndlr : Habilitation à Diriger des Recherches).
A quel moment de ta carrière et pourquoi t’es-tu tournée vers la thématique du changement climatique ?
J’étudie des ressources exploitées dans leur environnement depuis le début. Le changement climatique impacte forcément ces ressources et les entreprises qui en dépendent ; il est donc normal qu’il soit intégré dans des scénarii d’évolution que l’on étudie. Je le considère cependant rarement seul car il impacte le système au côté d’autres facteurs de changement (naturels, politiques, etc.). En 2011, le directeur de la station marine d’Arcachon a été sollicité par la Région Nouvelle-Aquitaine pour coordonner le chapitre « Ressources exploitées par la pêche et ostréiculture » du premier rapport d’AcclimaTerra. Il ne pouvait pas répondre à cette demande et m’a donc proposé cette mission en collaboration avec un collègue aujourd’hui parti à la retraite. J’avais déjà co-coordonné un atlas sur la côte basque et sud landaise et cela m’avait plu, j’ai donc dit oui. J’ai adoré l’état d’esprit qui a caractérisé ce travail d’AcclimaTerra. Les réunions où nous présentions chacun à tour de rôle le contenu des chapitres ont été passionnantes. Moi qui ai une formation généraliste au départ, j’ai adoré qu’on me reparle d’agriculture ou de milieux. Cette émulation interdisciplinaire était vraiment très riche et cela m’a apporté et m’apporte beaucoup en tant que chercheure. Depuis, mon activité de recherche intègre de manière plus importante et plus poussée les connaissances scientifiques sur le changement climatique. Par exemple, dernièrement, nous étudions l’impact de la modification de la houle sur les sorties en mer des petits navires de pêche.
Le premier rapport d’AcclimaTerra a été publié en 2013. Pourquoi as-tu poursuivi ton engagement au sein de notre structure jusqu’à être aujourd’hui membre du bureau de l’association ?
Comme je le disais, au départ mon implication dans AcclimaTerra s’est faite au travers d’une opportunité professionnelle. J’ai trouvé un groupe très sympathique à l’intérieur duquel le travail est agréable et où il y a de vrais échanges. Je pense également que c’est important que l’IFREMER réponde présent à des sollicitations comme celle d’AcclimaTerra. Nous avons un rôle de partage de connaissances notamment auprès des décideurs politiques. La dimension régionale de l’action d’AcclimaTerra renvoie aussi à la dimension territoriale dont je parlais au début et qui est importante à mes yeux. C’est donc naturellement que j’ai poursuivi mon engagement jusqu’à aujourd’hui.
Pour toi, quel est le rôle que doit jouer AcclimaTerra dans le contexte actuel ?
AcclimaTerra reste selon moi l’interlocuteur privilégié entre la connaissance et les décideurs et le grand public. C’est aujourd’hui une structure historique identifiée dans le paysage néo-aquitain pour accéder à la dernière information scientifique disponible. C’est important dans le contexte actuel où la connaissance et son utilisation sont parfois remises en cause.